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A
la mémoire de Redouane Sari, savant algérien assassiné par des lâches.
A
celle de Othmane H., de Derouiche et de tous ceux de l’Enita qui sont tombés.
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12 janvier
1957 […] J’ai pu lire d’un bout à l’autre le numéro spécial du Moudjahid. J’ai été navré d’y retrouver,
pompeusement idiot, le style d’un certain hebdomadaire régional. Il y a dans
ces trente pages beaucoup de foi et de désintéressement mais aussi beaucoup de
démagogie, de prétention, un peu de naïveté et d’inquiétude. Si c’est là la
crème du FLN., je ne me fais pas d’illusions, ils tireront les marrons du feu
pour quelques gros bourgeois, quelques gros politiciens tapis mystérieusement
dans leur courageux mutisme et qui attendent l’heure de la curée. Pauvres
montagnards, pauvres étudiants, pauvres jeunes gens, vos ennemis de demain
seront pires que ceux d’hier.
Mouloud Feraoun, Journal, 1955-1962, Editions du Seuil,
1962
Il faut bien
comprendre que le peuple algérien marche aujourd’hui avec un poignard dans le
dos, qu’il a été trahi par ses dirigeants. La confiance était énorme - il n’y a
pas de mots pour qualifier cette force et lorsqu’elle retombe, c’est terrible.
Kateb Yacine, L’Autre journal, n° 7, été 1985
Je suis inquiet et
déchiré par tous les soubresauts qui secouent l'Algérie. Je ressens cela comme
tout Algérien. Quand un meurtre est commis par un autre Algérien, que je le
veuille ou non, je partage la responsabilité de ce meurtre. Inconsciemment ou
non, les assassins nous font endosser cette responsabilité, et cela nous rend
malheureux et honteux d'être algériens. Les Algériens doivent avoir honte d'être
algériens parce que d'autres Algériens commettent des crimes, pas seulement en
leur nom, mais moralement en notre nom à tous. Il n'y a rien qui justifie un
meurtre, aucune raison, même si on se prétend religieux. L'islam n'a jamais
autorisé le meurtre pour le meurtre, comme aucune autre religion d'ailleurs.
Jamais. Vous savez, du temps du Prophète, le meurtre n'était pas compensé par
un autre meurtre. A mon avis, ce qui arrive peut s'expliquer par un désarroi.
C'est une aberration d'ordre psychique. Quand on en arrive là et qu'il n'y a
pas de justification logique, cela relève donc de la psychiatrie. L'Algérie est
devenue une sorte de prison-hôpital psychiatrique à grande échelle. De plus, ce
qui se passe se justifie d'autant moins qu'il s'agit de règlements de comptes
ou de vengeances personnelles qui se produisent en faveur des désordres
actuels. L'arrangement ne peut provenir que d'une solution politique, ce qui ne
veut pas dire qu'il débouchera automatiquement sur la démocratie.
Mohammed Dib, propos recueillis par Mohamed Zaoui in Algérie, des voix dans la tourmente,
Le
Temps des cerises, 1998
Vous aurez
beau laver la rouille, elle ne deviendra pas blanche.
Anwar el-Suhayli.
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